Film streaming Le Bal des vampires 4K

  • Le Bal des vampires
  • (Dance of the Vampires)
  • États-Unis, Royaume-Uni
  • -
  • 1967
  • RĂ©alisation. Roman Polanski
  • ScĂ©nario. Roman Polanski, GĂ©rard Brach
  • Image. Douglas Slocombe
  • Montage. Alastair McIntyre
  • Musique. Krzysztof Komeda
  • Producteur(s). Gene Gutowski, Martin Ransohoff
  • InterprĂ©tation. Roman Polanski (Alfred), Jack McGowran (le professeur Abronsius), Alfie Bass (Shagal), Sharon Tate (Sarah Shagal), Ferdy Mayne (le comte von Krolock), Jessie Robins (Rebecca Shagal), Iain Quarrier (Herbert von Krolock), Terry Downes (Koukol), Fiona Lewis (Magda), Ronald Lacey (l'idiot du village).
  • DurĂ©e. 1h50

Sang pour sang Roman, par Marie Bigorie

Le Bal des vampires

Dance of the Vampires

Le Bal des vampires. premier film en couleurs du pas-encore-palmĂ© Roman Polanski sort en 1968, coincĂ© entre RĂ©pulsion (1964) et Rosemary’s Baby (1968). AbonnĂ© aux Ours depuis RĂ©pulsion (Ours d’argent Ă  Berlin) et Cul-de-sac (Ours d’or), Polanski mĂŞle le comique Ă  l’horrifique dans ce long mĂ©trage qui ne se contente pas d’ĂŞtre une simple parodie de film de genre. On se laisse entièrement vampiriser par le charme farfelu et poĂ©tique d’une Ĺ“uvre trĂ©pidante. Le Bal des vampires. c’est la face solaire du cinĂ©aste loin des angoisses tourmentĂ©es et torturĂ©es de Rosemary’s Baby. C’est aussi le souvenir d’un doux visage, celui de Sharon Tate, actrice Ă  la chevelure flamboyante et compagne du cinĂ©aste sauvagement assassinĂ©e.

« Aiguisez vos incisives ! » Aux confins de la Transylvanie sub-carpatique, le Professeur Abronsius et son jeune assistant Alfred (interprĂ©tĂ© par Roman Polanski) ont dĂ©cidĂ© de tenir une charmante et saignante compagnie Ă  leurs amis les vampires. MaĂ®tre et disciple atterrissent dans une auberge qui hume fort l’ail lorsque la fille de l’aubergiste, Sarah (Sharon Tate), dont Alfred tombe amoureux, se fait enlever par un drĂ´le d’oiseau aux dents longues. ArmĂ©s de gousses d’ail, de pieux et de crucifix, les deux compères partent Ă  la chasse au chiroptère au château du comte von Krolock. Entre la galerie de portraits du manoir de pierres et deux pas de menuet, Abronsius et Alfred, vampires aux trousses, retrouveront Sarah. Mais dans quel Ă©tat ?

Lorsque Roman Polanski introduit le burlesque et la farce dans un genre rĂ©putĂ© sĂ©rieux, le fantastique, il nous offre une belle leçon de cinĂ©ma. Et mĂŞme si le comte von Krolock a quelques airs de ressemblance avec Christopher Lee, le cultissime Comte Dracula des films de la Hammer, Le Bal des vampires. malgrĂ© ses accents parodiques, n’est pas une pâle copie de film d’Ă©pouvante. Pourtant, d’après le Professeur Abronsius, « tous les signes sont lĂ  ». ail, crucifix, pieu, jolies femmes, hurlements de loup et bĂ©gayements de l’idiot du village, sans oublier le monstrueux Koukol, croisement improbable entre le Bossu de Notre-Dame et la crĂ©ature de Frankenstein, coupe au bol et excroissances dentaires Ă  l’appui qui, Ă  ses heures perdues, bouffe du loup et rabote des planches de cercueil. Qu’on se rassure, sans ĂŞtre le gendre idĂ©al, la crĂ©ature Koukol fait rire, plus que peur. Oui, on est bien dans un film de vampires mais en VP (Version Polanski) plus qu’en VO. Alors, qu’est-ce qu’une version Polanski d’un film de vampires ?

Chez Polanski, le cauchemar s’achève en un grand Ă©clat de rire. La beautĂ© du film naĂ®t de ses contrastes saisissants. contrastes de couleurs violentes (opposition du rouge et du blanc), dissemblances de lieux (l’auberge pittoresque empreinte de folklore juif et le château des aristocrates), divergences de sensations (le gel opposĂ© Ă  la moiteur dans la scène du bain), dualitĂ© des personnages, enfin. L’aubergiste volage Shagal est la version paillarde et parodique du comte von Krolock. Ă€ l’Ă©rudition d’un Professeur farfelu et Ă©tourdi rĂ©pond le romantisme rĂŞveur et naĂŻf d’un jeune disciple idĂ©aliste. Alfred prĂ©fère l’amour courtois et les lois biscornues de l’imaginaire aux prĂ©ceptes scientifiques. Tandis qu’Abronsius tente d’Ă©claircir les mystères du vampirisme (« un château sans crypte c’est comme une licorne sans corne »), Alfred se laissera guider Ă  travers les dĂ©dales du château par le chant de Sarah. On rit du maĂ®tre, mais on tremble avec l’Ă©lève. Polanski fait rire comme il sait faire frĂ©mir. Il dĂ©tourne les codes symboliques (les clous pour des dents de vampire) et fait frissonner par surprise. Car dans Le Bal des vampires. on joue surtout Ă  se faire peur. En ce sens, la « visite » cinĂ©matographique que Polanski nous offre du château est remarquable. le cinĂ©aste alterne des plans serrĂ©s avec peu de profondeur de champ crĂ©ant une sensation d’enfermement et la camĂ©ra glisse le long des parois de la forteresse pour achever de nous perdre dans une architecture labyrinthique.

Enfin, Le Bal des vampires vaut la peine d’ĂŞtre vu et revu aussi pour quelques fameuses scènes d’anthologie. La cocasse scène du bal chorĂ©graphie une ribambelle de Marie-Antoinette usĂ©es et vidĂ©es de leur sang, de vieilles perruques poudrĂ©es aux dents acĂ©rĂ©es, bref, la version trash du film de Sofia Coppola. On danse un menuet sur quelques notes de clavecin avant de planter sauvagement ses dents dans les cous de nouvelles recrues. Et l’on n’oubliera pas la très belle scène du bain qui prĂ©cède l’enlèvement de Sarah. Un peu Ă  la manière de Lubitsch, Le Bal des vampires invente une histoire de portes qu’on ouvre, qu’on entrouvre, qu’on claque et qu’on condamne. Sarah Ă©chappe Ă  Alfred parce que celui-ci n’a pas osĂ© regarder par le trou de la serrure. Polanski nous parle de transgression, d’une curiositĂ© mal placĂ©e et d’une irrĂ©sistible envie de voir, donc de cinĂ©ma. « Vous avez une bien curieuse façon de forcer la porte de ma demeure » dĂ©clare le comte von Krolock. Ă€ l’image du numĂ©ro d’Ă©quilibriste que composent Alfred et son maĂ®tre sur le toit glacĂ© du château, Polanski rĂ©ussit avec brio l’Ă©quilibre astucieux et vaporeux entre le frisson et le rire.

Envoyer cet article par e-mail