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Guy Ribes, l'étonnant destin d'un faussaire de talent

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Propos recueillis par Annick Colonna-Césari, publié le 06/08/2015 à 17:43

Le peintre Guy Ribes dans son salon, entouré de vestiges de son passé. Il voit encore apparaître quelques-unes de ses "oeuvres" dans des catalogues.

Pendant plus de trente ans, Guy Ribes a trompé le marché de l'art en réalisant des toiles à la manière des plus grands. Par orgueil, par jeu. Pour l'argent aussi. S'il ne signe plus que ses propres tableaux, le faussaire repenti dévoile à L'Express les ficelles du métier. Et raconte une vie digne d'un roman.

Dans son genre, l'homme est lui aussi un génie de la peinture. Pendant plus de trente ans, Guy Ribes a imité Picasso. Chagall, Renoir, Léger et beaucoup d'autres. Il s'est joué des experts, jusqu'à ce jour de janvier 2005 où la police l'a arrêté. Condamné en 2010, il a purgé sa peine. Aujourd'hui, le peintre raconte sa trajectoire dans un livre, Autoportrait d'un faussaire (Presses de la Cité). Un documentaire, réalisé par Jean-Luc Léon, est aussi annoncé au cinéma pour la fin de l'année.

Le parcours de Guy Ribes fascine: récemment, John Travolta a demandé à rencontrer le peintre, et celui-ci a conseillé l'acteur, qui, dans le film The Forger (inédit en France), incarne le rôle d'un faussaire. Quel personnage! On le dirait tiré d'un scénario de Michel Audiard. Né dans une maison close de Roanne, il grandit parmi les voyous lyonnais avant de s'enfoncer dans les eaux troubles du marché de l'art.

Loin des palaces qu'il a fréquentés, il habite à présent au sixième étage, sans ascenseur, d'un immeuble modeste de la banlieue parisienne. L'air jovial, pipe à la bouche, il nous conduit dans un minuscule salon encombré de tableaux, vestiges de son existence passée.

A 68 ans, il a raccroché mais n'a pas rangé ses pinceaux. Car, après s'être perdu dans le style des grands maîtres, il a trouvé le sien et signe désormais de son nom. Usant de son accent gouailleur, il nous livre quelques secrets.

Comment vous êtes-vous intéressé à l'art? Rien ne vous y prédestinait.

Dans ma famille, c'est sûr, on pratiquait plutôt le revolver que le pinceau, mais moi, à 6ans, j'avais déjà les crayons à la main. C'est peut-être le kimono en soie de ma mère qui m'a donné envie de dessiner. Je me souviens encore de ses motifs, des oiseaux de paradis. Et de l'ambiance Art déco du bordel. Cette envie ne m'a jamais quitté. Mon père m'a viré très tôt de la maison. Même à la rue, je me débrouillais pour dessiner.

Vous aviez donc des facilités, mais comment avez-vous acquis la technique?

A 15 ans, j'ai été embauché comme apprenti dans un atelier de soieries de Lyon. C'est là que j'ai appris à créer des motifs, à manier les couleurs. A l'époque, je passais souvent mes nuits sur les banquettes d'une taverne où se retrouvaient des receleurs. Le patron m'avait recueilli. A leur contact aussi, j'ai beaucoup appris. Et je croquais les trognes de filles que je croisais.

Un jour, des hommes m'ont abordé, l'un d'eux m'a tendu la photo d'une vieille femme et m'a demandé de faire son portrait. C'était le parrain "Mémé" Guérini [NDLR: Barthélemy Guérini, d'origine corse]. Sur la photo, c'était sa mère. Voilà comment j'ai commencé à travailler pour le milieu. Les Corses ont ensuite fait appel à mes services pour décorer leurs cabarets de Lyon. Je suis devenu le peintre des voyous et des proxénètes.

Comment, plus tard, vous êtes-vous mis à peindre des aquarelles?

J'habitais alors du côté de Cannes. Je les vendais sur le port, pour vivre. Puis des marchands m'ont proposé une collaboration. Pour eux, j'ai peint, pendant quatre ou cinq ans, des milliers de marines de Bretagne ou de paysages de Sologne. Je leur rapportais gros et je m'en tirais très bien. Mais c'était débilitant, j'aurais aimé développer ma propre création. Cette expérience m'a tout de même introduit dans le petit monde de l'art.

Comment l'aquarelliste s'est-il transformé en faussaire?

Dans les années 1980, j'ai fait la connaissance d'Henri Guillard. Il était cultivé, très compétent. Fils d'un imprimeur d'art renommé, il possédait une imprimerie dans le XIVe arrondissement de Paris. J'y faisais mes propres lithographies, puis je me suis aperçu qu'il pratiquait le surtirage de lithographies de Dali. Il m'a plus ou moins entraîné dans la combine. Une fois, pour m'amuser, j'ai réalisé une aquarelle à la manière de Chagall, et la lui ai montrée. Elle était mauvaise, évidemment. Mais il m'a encouragé, mine de rien, m'a donné des conseils, jusqu'à ce que j'en sorte une bonne.

Et j'ai continué: une deuxième, une troisième, une cinquième. Il me disait qu'il vendait ces "Chagall" à un client américain, Leon Amiel, un éditeur d'art, lui aussi très connu. Moi, je gagnais beaucoup d'argent. Un jour, Amiel nous convoque dans son bureau parisien. Je croyais qu'il avait découvert la supercherie. En réalité, Henri et Leon étaient de mèche. Ces deux malins m'avaient payé pour apprendre le métier.

Ils avaient donc financé votre apprentissage, à votre insu?

Exactement. Et la cavalcade a commencé. Elle a duré une dizaine d'années. Henri et Leon étaient en contact avec les collectionneurs. Ils me passaient commande. J'ai aussi travaillé pour de grands marchands qui avaient pignon sur rue.

Réalisiez-vous des copies?

Non. Je créais des tableaux qui n'existaient pas. Picasso, Chagall, Miro, Matisse. Beaucoup d'artistes procèdent par séries. Ils produisent 20, 30 ou 50 dessins, quasi identiques. J'en glissais un au milieu. Evidemment, ça nécessite une parfaite connaissance du peintre, de sa technique, de son entourage. Je devais déterminer l'année, le mois, et même le jour de fabrication du tableau que j'inventais, repérer l'endroit où il était censé avoir été réalisé, savoir dans quel état d'esprit l'artiste se trouvait, quels matériaux il utilisait. Les recherches me prenaient parfois plusieurs mois.

Quels sont vos secrets de fabrication?

Je me mettais dans la peau de l'artiste. Lorsque je peignais un Picasso, j'étais Picasso. Lorsque je peignais un Chagall, je pensais comme Chagall. Pour retrouver l'émotion, reproduire leurs gestes, j'en ai bousillé, des pinceaux! Ensuite, on vieillissait tout. Un encadreur achevait le boulot. Je lui apportais une toile le matin, le soir elle avait pris cent ans. J'ai fait aussi de l'ancien: un Fragonard, des tableaux de l'école de Rubens. Là, c'était plus compliqué. Il faut connaître les pigments, les patines. Une fois que j'avais fini, je détruisais mon matériel, pour ne pas laisser de traces.

Vous avez longtemps exercé sans vous faire remarquer. Quelle était la recette?

Henri et Leon étaient de vrais professionnels. Lorsque je livrais des tableaux, Henri les inspectait. S'ils étaient mauvais, il les détruisait. Terminé. S'ils étaient bons, il pouvait les présenter à un expert, qui les authentifiait, et ils entraient dans le circuit. Pendant notre collaboration, aucun n'est remonté à la surface.

Les faux sont devenus vrais. J'en vois passer dans La Gazette Drouot. Et je rigole. Les flics ont saisi 300 de mes toiles, ce n'est que le sommet de l'iceberg. Mais, après tout, ces faux n'ont pas trahi les artistes; au contraire, ils les respectaient. Et le collectionneur, lui, n'était pas volé. il possédait une oeuvre qui lui plaisait, avec son certificat. Tout le monde était content.

Le faussaire Guy Ribes a aidé Michel Bouquet (à dr.) sur le tournage de Renoir. Et il a prêté ses mains pour les gros plans.

Alors pourquoi vous a-t-on coincé?

Les ennuis ont débuté après la mort d'Henri et de Leon, qui, curieusement, ont disparu dans le même mois, l'un après l'autre. Moi, du coup, je suis tombé sur des abrutis. Ils ne pensaient qu'au fric. Ils me commandaient des tableaux pour le lendemain. C'était de la cavalerie. Je me doutais que le système exploserait. Mais je n'arrivais pas à abandonner. J'étais trop habitué à l'argent. Des faux sont apparus à Grenoble, à Biarritz, à Genève.

Les plaintes se sont multipliées. La police a cherché à reconstituer la filière et quelqu'un m'a dénoncé. Comme je ne vendais pas directement, j'étais difficile à attraper. Les flics m'ont placé sous surveillance et ils ont attendu que je commette une erreur. J'ai vendu à mon compte. Et boum! Ils me sont tombés dessus. Quand ils m'ont arrêté, j'étais presque soulagé.

Parce que j'en avais marre de ces escrocs. Avec eux, il n'y avait plus rien de magique. Et je ne savais plus qui j'étais. J'avais fait de l'impressionnisme, du cubisme, du surréalisme. Il a fallu cette arrestation pour que je redevienne moi-même.

Depuis, vous avez donc recommencé à peindre, sous votre nom: comment avez-vous muté?

Je pratique l'abstraction. Mais j'ai eu du mal à me débarrasser des influences. Quelques clients me réclament des copies de Dali ou de Matisse. Ce sont de vrais faux, je les signe Guy Ribes. Le problème est que l'image du faussaire me colle à la peau. J'ai voulu montrer mes toiles à certains marchands. Ils m'ont demandé en douce si je pouvais toujours leur fournir des faux.

Qu'est-ce qui vous a amené à travailler pour le cinéma?

Après mon procès, le réalisateur Gilles Bourdos m'a contacté. Pour son film Renoir , il avait besoin de tableaux peints à la manière du peintre. J'en ai réalisé 280. Sur le tournage, j'ai conseillé Michel Bouquet, qui jouait le rôle de l'artiste. Je lui ai appris à tenir un pinceau. Dans les gros plans, ce sont mes mains qui apparaissent. Récemment, John Travolta, qui était au Festival de Deauville, est venu me chercher. Il préparait son film The Forger ["Le Faussaire" en français]. Pendant tout un après-midi, il m'a questionné sur le métier.

Regrettez-vous quelque chose?

Non, rien. J'ai vécu comme un roi pendant trente ans. Et j'ai réalisé des oeuvres que je considère comme de l'art. Mais la chute a été rude. Quand vous avez fait de la prison, votre propriétaire ne veut plus vous louer d'appartement, votre femme s'en va en courant, vos amis vous ferment la porte au nez. Aujourd'hui, j'ai payé l'addition. Les Américains vont peut-être adapter mon livre. Et je ne souhaite qu'une chose, vivre de ma peinture. C'est comme si j'avais de nouveaux papiers d'identité.

Bonjour; Quel admirable artiste. Que de bonheur il a du donner. Cela pose la question sans réponse de la valeur d'une oeuvre. Pourquoi interdire de sortie et mettre à 20mm un Picasso? quelle différence entre un original (plus ou moins) et une copie? quid des auteurs qui se copient eux-même? Si nous avions un Musée de copies indiscernables d'originaux, il aurait zéro spectateurs. Pourquoi? Que dire des oeuvres restaurées qui ont un lointain rapport avec celles que nous admirions dans les musées. Avions nous tort d'admirer ces oeuvres patinées et poussiéreuses et d'admirer l'ancienne Chapelle sixtine? Étions nous innocents lorsque nous admirions "La Garde de Nuit" (Rembrandt) avant qu'elle soit nettoyée et n'est plus du tout une garde de nuit?

Bonjour; Quel admirable artiste. Que de bonheur il a du donner. Cela pose la question sans réponse de la valeur d'une oeuvre. Pourquoi interdire de sortie et mettre à 20mm un Picasso minable? quelle différence entre un original (plus ou moins) et une copie? quid des auteurs qui se copient eux-même? Si nous avions un Musée de copies indiscernables d'originaux, il aurait zéro spectateurs. Pourquoi? Que dire des oeuvres restaurées qui ont un lointain rapport avec celles que nous admirions dans les musées. Avions nous tort d'admirer ces oeuvres patinées et poussiéreuses et d'admirer l'ancienne Chapelle sixtine? Étions nous des idiots lorsque nous admirions "La Garde de Nuit" (Rembrandt) avant qu'elle soit nettoyée et n'est plus du tout une garde de nuit?